CONTREPARTIE
CONDITIONNELLE (EARN-OUT) ET INCIDENCES FISCALES
Contrepartie
conditionnelle «classique»
Dans
le cadre d’une transaction commerciale, la contrepartie conditionnelle
communément appelée « earn-out » est un mécanisme qui prévoit le paiement
par l’acheteur au vendeur d’une somme en complément du prix d’acquisition,
laquelle est versée sur une période variant généralement entre trois et cinq
ans, sous réserve de l’atteinte par la société de certains seuils de
performances préétablis.
Ce
mécanisme est particulièrement utile, puisqu’il permet à l’acheteur de notamment
réduire son risque transactionnel. En effet, si la contrepartie conditionnelle
est versée, cela signifie que : i) les performances financières de la société
sont au rendez-vous et ii) dans la majorité des cas, la société génère elle-même
les fonds nécessaires à son paiement.
À
cet effet, la contrepartie conditionnelle permet de réduire l’écart de
valorisation de la société perçue entre l’acheteur et le vendeur et permet à ce
titre, de délier une impasse lors de négociations entourant le prix
d’acquisition.
Les
indices de performance sélectionnés pour évaluer le versement de la
contrepartie conditionnelle impliquent généralement des formules basées sur :
o
le
bénéfice avant impôts, intérêts et amortissements (BAIIA);
o
le chiffre
d’affaires;
o
les
redevances perçues; ou
o
les
réalisations majeures de la société (approbation gouvernementale en lien avec
le développement d’un nouveau produit, conclusion d’un contrat important,
accroissement des parts de marché ou percée dans un nouveau secteur d’activité).
Afin
que ce mécanisme soit pleinement effectif, la formule du calcul de la
contrepartie conditionnelle devra être établie avec parcimonie et tenir compte
des circonstances particulières afférentes à chaque transaction (industrie dans
laquelle évolue la société, identité des dirigeants qui contrôlent les
opérations de la société post-transaction, historique financier de la société
etc.).
Traitement fiscal (vendeur)
D’entrée de jeu, il importe de mentionner que toute notion fiscale
traitée dans le présent billet ne doit en aucun cas être généralisée et
rapportée à une situation précise. Chaque cas est un cas d’espèce et il importe
donc de consulter un de nos professionnels afin de bien évaluer les impacts
fiscaux applicables à votre situation.
Pour le vendeur, le traitement par les autorités
fiscales de la contrepartie conditionnelle pourra être considéré sous 2 méthodes
d’évaluation, soit à titre de revenu régulier (alinéa 12 (1) (g) de la Loi de l’impôt sur le revenu) ou à titre
de gain en capital (méthode du recouvrement de coût) pour l’année où elle peut
être déterminée.
La règle générale veut que la contrepartie
conditionnelle classique soit traitée comme revenu régulier aux termes de
l’alinéa 12 (1) (g) de la Loi de l’impôt
sur le revenu. Or, le vendeur a tout avantage à ce que la contrepartie conditionnelle
perçue soit plutôt considérée comme un gain en capital, en raison du plus
faible taux d’imposition alors applicable et la possibilité d’assujettir ladite
contrepartie conditionnelle à l’exonération du gain en capital, le cas échéant.
Pour ce faire, la transaction devra respecter
certaines conditions, soit notamment :
o
il
doit s’agir d’une vente d’actions;
o
le
vendeur et l’acheteur n’ont aucun lien de dépendance;
o
la
clause d’indexation sur les bénéfices futurs du contrat de vente doit se
terminer au plus tard 5 ans après la date de la fin de l’année d’imposition de
la société (dont les actions sont vendues) au cours de laquelle les actions
sont vendues; et
o
Il
doit être raisonnable de présumer que la disposition concernant la contrepartie
conditionnelle se reporte et a été élaborée afin de réduire les divergences
quant à la valorisation de l’écart d’acquisition (communément désigné
«achalandage») perçues entre le vendeur et l’acheteur.
Malgré
le respect de ces conditions, il n’est pas assuré que les autorités fiscales appliquent
la méthode de recouvrement du coût et traitent cette contrepartie conditionnelle
comme un gain en capital assujetti à l’exonération. Plusieurs autres facteurs
devront ainsi être considérés aux termes de cette analyse.[1]
Traitement fiscal
(acheteur)
Aux fins fiscales, les paiements effectués par un acheteur aux termes d’une clause de contrepartie conditionnelle classique augmenteront le prix de base des actions (ou actifs) achetées. Cependant, des incidences fiscales défavorables peuvent se produire si l’acheteur revend les actions (ou actifs) acquises avant l’expiration des effets de la disposition de contrepartie conditionnelle.
Contrepartie conditionnelle inversée (reverse earn-out)
Outre
le mécanisme de contrepartie conditionnelle classique, il est également
possible de prévoir dans une transaction une contrepartie conditionnelle inversée,
laquelle est incluse au prix d’acquisition versé en totalité à la clôture de la
transaction, tout en demeurant conditionnelle à l’atteinte de certains seuils
de performance futurs.
Si
les seuils de performance établis à la clôture de la transaction ne sont pas
atteints, les parties devront alors procéder à des ajustements à la baisse qui
affecteront le solde du prix d’acquisition, le cas échéant, ou diminueront la
dette de l’acheteur en faveur du vendeur;
Pour
l’acheteur, d’un point de vue commercial, le premier scénario de contrepartie
conditionnelle classique est nettement plus avantageux que celui de la
contrepartie conditionnelle inversée, car il lui permet de réduire davantage
ses risques transactionnels.
Au
contraire, dans l’éventualité où une contrepartie conditionnelle inversée a été
payée en date de clôture et que les seuils de performance ne sont pas atteints,
l’acheteur court toujours le risque que le vendeur refuse ou néglige de lui restituer
les sommes qui lui sont dues. À ce titre, il est donc pertinent de prévoir des
garanties ou un mode de paiement adapté qui protège les intérêts de l’acheteur,
tel un solde de prix de vente payable suivant l’écoulement d’un certain délai,
lequel pourra être fonction de la période à laquelle est assujettie la
contrepartie conditionnelle inversée.
Traitement fiscal
(vendeur)
Les
autorités fiscales ont confirmé qu’elles traiteront la totalité des sommes
reçues par le vendeur à titre de contrepartie conditionnelle inversée comme un
gain en capital, pourvu qu’au moment de la transaction, les cibles fixées
donnant droit à ladite contrepartie conditionnelle soient raisonnablement
atteignables ou, en d’autres termes, que le prix total du bien correspond à sa
juste valeur marchande.
En
outre, si le vendeur ne répond pas aux critères afin de bénéficier du
traitement fiscal du recouvrement de coût dans le cadre de
l’attribution d’une contrepartie conditionnelle classique, d’un point de vue
fiscal, il serait potentiellement avantageux pour lui d’opter pour la contrepartie
conditionnelle inversée. Ainsi, lorsque les objectifs aux termes d’une
disposition de contribution conditionnelle ne sont pas atteints et que le
vendeur doit alors restituer les sommes déboursées en date de clôture en faveur
de l’acheteur, le vendeur pourra alors, moyennant le respect de certains
critères, diminuer le prix d’achat du montant de cet ajustement ou déclarer une
perte en capital en lien avec ce remboursement.
Dans le cadre d’une contrepartie conditionnelle inversée, le vendeur doit inclure le paiement en totalité de ladite contrepartie conditionnelle dans son revenu au cours de l’année fiscale de la transaction.
Traitement fiscal
(acheteur)
Aux fins fiscales, les paiements effectués par un
acheteur aux termes d’une clause de contrepartie conditionnelle inversée
diminueront généralement le prix de base des actions (ou actifs) dans
l’éventualité où les objectifs n’étaient pas atteints et un ajustement
post-clôture devait alors être apporté.
Nonobstant
ce qui précède, il demeure périlleux d’évaluer et d’estimer à coup sûr les
impacts fiscaux d’une disposition de contrepartie conditionnelle inversée, car
ceux-ci peuvent varier selon la nature des actifs vendus et la durée applicable
de la disposition (ex : les pertes en capital peuvent uniquement être
reportées sur une période maximale antérieure de trois années). Dans tous les
cas, une analyse approfondie devra être réalisée afin de bien en évaluer les
impacts fiscaux.
En somme, la contrepartie additionnelle
peut s’avérer être un outil fort utile aux termes d’une transaction,
satisfaisant autant l’acheteur que le vendeur. Il faut par contre demeurer
prudent et bien évaluer les impacts fiscaux qui s’y rattachant, avant d’y
recourir. N’hésitez pas à nous joindre pour
toute question en la matière.
JGW
Avocats et conseillers d'affaires inc.
Ce
billet n'est pas une opinion juridique et ne doit pas être interprété à titre
de conseils juridiques ou fiscaux.